Marie-Jeanne Decoste
Femmes hiboux
À la manière de l’ethnographe j’observe, j’explore et je collectionne des informations sur mon territoire afin d’ouvrir le dialogue entre le patrimoine rural québécois et l’art contemporain. Ce rapport art-ruralité s'exprime et se déploie de diverses manières dans mon parcours (mise en valeur du patrimoine de proximité, implication citoyenne, relecture d'archives). Parler des lieux tels qu’ils sont dans le présent demande, à mon point de vue, de s’intéresser au passé. C’est ce qui m’a poussée à fouiller les archives photographiques du répertoire d’Appartenance Mauricie. De plus, je trouvais intéressant d’exploiter le lieu pour ses caractéristiques physiques. Le fait d’avoir à peindre en hauteur, entre ciel et terre, est venu teinter mes recherches. J’ai donc choisi de m’inspirer de 4 photographies prises entre 1940 et 1960, montrant des hommes souriants et fiers d’avoir chassé des hiboux. C’est ainsi qu’est née l’idée de raconter les lieux à travers l’histoire de ces hiboux. Une histoire mystérieuse, aux couches multiples, qui met de l’avant l’étrangeté de certains legs générationnels.
Cette oeuvre se veut aussi une manière personnelle de souligner l’apport incommensurable de l’artiste québécois Jean-Paul Riopelle dans notre patrimoine artistique national. Riopelle a peint des centaines de hiboux dans sa carrière. Il aurait eu cent ans, en octobre 2023.
Je suis la fille d’un bubo
un grand-duc d’Amérique
comme lui je dors peu la nuit
son legs est un puits
qui génère de l’écume
une ardeur tranquille
un carburant verdoyant
lui, il est haut perché
il cultive sa foi
moi, je prends racine
et j’érige des toits
il est fait d’eau et de vent
je suis de feu et d’argile
il dépose ses plumes
je me fabrique un parka
je cherche l’estran
le doux balancier
quelque part entre l’ouragan
et le zéphyr du printemps
je suis la fille d’un bubo
le cœur criblé de plombs parachutes
d’une époque en proie aux mille maux
j’appréhende la chute
toi la chouette épervière
dans ta splendeur boréale
tes ailes reflètent mes dédales
ton spectre luit sur ma vie forestière
Née à Montréal en 1983, Marie-Jeanne manifeste dès l’enfance un intérêt marqué pour l’art, L’artiste est détentrice d’une Maîtrise en arts visuels de l’UQTR et exerce l’enseignement à temps partiel au Cégep de Trois-Rivières. Elle est membre active de l’atelier Presse Papier depuis 2006. Son parcours professionnel et les collectifs artistiques auxquels elle participe lui ont permis d’exposer son travail au Québec et à l’international. Ses oeuvres font parties de collections publiques et privées.